Source : The Mad fermentationist
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Les grands groupes industriels brassicoles et leurs stratégies : Partie 1

Ils sont incontournables, ils sont partout, vous ne pouvez pas leur échapper vraiment, même si vous êtes un beersnob à un level incroyable, non les groupes industriels sont partout!

Moi même je bois de l’industriel parfois, une soirée où on ne trouve que de ça par exemple, je ne fais pas la fine bouche, il y a des bières industrielles meilleures que d’autres après tout, et on peut aussi trouver des bières artisanales très mauvaises, cela arrive. Et puis beaucoup d’entre nous ont commencé par de l’industriel, moi c’était Carlsberg et Guinness par exemple. Je dis toujours que les bières industriels sont souvent une porte d’entrée au craft, elles permettent à beaucoup, justement, de s’éloigner d’eux pour de bon après avoir clairement décelé la différence de goût et surtout de qualité. 

Alors attention, dans cet article en plusieurs parties, je ne vais pas vous parler en diabolisant les grands groupes, pas du tout, je ne vais pas non plus en faire une éloge, je vous rassure, mais on va surtout essayer d’abord de comprendre, dans son ensemble comment ces groupes ont été créés et sont arrivés à devenir si gargantuesque. 

Nous allons aussi analyser leur stratégie, d’abord les stratégies basiques historiques, puis on va voir comment ceux-ci réagissent face à la concurrence des petits brasseurs à travers leurs actions, sur leurs produits mais aussi sur les rachats qu’ils font. 

Nous allons aussi voir une nouvelle fois si, se faire racheter est une bonne idée ou pas, avec des arguments pour et contre, mais également et bien entendu, parler de la résistance des petits brasseurs face aux gros industriels et leurs stratégies à eux pour justement leur faire face dans ce duel digne d’un David contre Goliath. 

 

Une industrie gigantesque et tentaculaire

Il faut savoir qu’au début, tout n’était pas ainsi, Arthur Guinness a commencé il y a + de 250 ans, Heineken en 1873, et à l’époque la concurrence était grande, souvenez-vous déjà on parlait des Alewives qui peu à peu sont devenus des brasseries gérées par des hommes, les Alehouse fleurissaient partout en Europe et en Amérique, donc ouvrir sa brasserie était aussi commun que d’ouvrir une boulangerie dans son quartier au final. 

Pourtant, on est passé d’un fort nombre d’établissement à un Oligopole tentaculaire industriel côté en bourse. 

En fait tout est une question de bons réflexes stratégiques dans la gestion de son entreprise. La plupart des plus grosses brasseries actuelles ont commencé petit mais elles ont vite su s’adapter avec leur temps, là ou d’autres clairement ont commencé à prendre du retard. 

L’idée est donc d’accroître ses ventes et de s’agrandir, le cheminement habituel, y compris pour les Micro-brasseries qui deviennent Brasseries artisanales. Alors quand vos volumes augmentent, il faut investir, et donc créer de nouveaux lieux de production. C’est ainsi que l’on trouve des brasseries d’une marque dans plusieurs endroits, comme Heineken à Marseille ou Guinness au Cameroun par exemple. 

Pourtant, s’agrandir ne suffit pas, votre produit a beau satisfaire la clientèle, vous avez toujours le risque d’un autre concurrent plus virulent, d’une lassitude du consommateur etc… alors il faut sans cesse innover. 

Si en 1er lieu, la plupart des grosses brasseries actuelles ont investi en R&D pour pouvoir améliorer les rendements et satisfaire les demandes, il faut aussi penser plus loin et c’est ce que beaucoup d’autres n’ont pas fait justement. 

Les brasseries ont donc garder un œil sur la concurrence, en effet, il fallait faire de la veille concurrentielle en permanence. Mais du coup, si vous gagnez plus d’argent, outre la R&D vous pouvez doucement envisager de faire un partenariat avec un concurrent, une joint venture par exemple ou lui proposer un rachat.

Souvent les brasseries étaient familiales, si beaucoup le sont restées longtemps comme en Belgique pour ne citer qu’eux, d’autres trouvaient difficilement des repreneurs à l’arrivée de la retraite du gérant. Alors soit vous liquidez, soit vous confiez à contre cœur les rênes à un autre, et c’est là que les plus gros ont commencé à voir du potentiel en cela.

Alors voilà, vous avez une belle structure, mais vous en avez assez ou vous voulez arrêter, quoi de mieux que d’encaisser une coquette somme et de partir vers autre chose ou une retraite bien méritée? Et bien c’est là que nos petits malins sont arrivés, en levant des capitaux, puis en rachetant des concurrents, ce qui permet dans un premier temps, pour les meilleurs de laisser tourner et encaisser les profits, et les plus faiblards, les transformer en unités de productions pour votre propre marque, ou si vous jugez un bon potentiel, de rehausser la brasserie et la rendre rentable en son propre nom. 

Je vous résume la chose bien entendu, car c’est plus complexe et bourré d’anecdotes historiques, mais vous avez en quelque sorte le schéma classique, qui se fait aujourd’hui encore, et dans beaucoup de secteurs.

Combien de start-up comme Waze, Instagram, se sont fait rachetées? Ce qui se passait avant se reproduit sur les entreprises 2.0 finalement, donc si une brasserie artisanales se laisse dévorer par un industriel, c’est que clairement il y a un but de générer un profit plus vite, mais ça, on y revient plus tard dans le sujet. 

Pour revenir à nos “Goliath”, ils ont donc su s’adapter et peu à peu faire disparaître la concurrence par divers moyens. Pourtant, il restait encore du monde qui fabriquait des bières artisanales, mais voilà, un événement tragique, enfin… deux mêmes vont mettre à mal toute l’industrie et profiter à certains : les 2 grandes guerres.

On ne va pas se la jouer RMC Découvertes, vous connaissez tous ces 2 périodes noires du 20ème siècle, et durant tout ce temps, beaucoup d’industriels, de commerçants, étaient à l’arrêt pour un tas de raisons (mort, destruction, occupation et j’en passe….) donc peu à peu des secteurs entiers se sont vus décimés et seuls quelques chanceux, malins ou costauds ont su rester hors du bocal. 

Alors je précise, je parle de l’Europe, qui avait le secteur brassicole le plus gros à l’époque (on va revenir sur les USA ensuite), et durant cette période, seuls les structures les plus solides ont su faire face, certaines par des moments plus ou moins discutables certes, mais toujours est-il qu’elles sont restées là, après tout, un soldat a toujours besoin de bière non? Je vous laisse lire HEINEKEN en Afrique pour comprendre mon raisonnement d’ailleurs. 

Une fois la guerre terminée, l’heure était à la reconstruction, les populations étaient décimées et appauvries, beaucoup avaient autre chose à faire que de reconstruire leurs activités malheureusement, et c’est là que ceux qui avaient survécus ont pu grossir encore plus!

Ni une, ni deux, les plus gros ont commencé à manger les plus petits restants et à s’implanter là où la concurrence avait disparue, les grands groupes ont donc ainsi commencé peu à peu à gagner en puissance pour former doucement mais surement, les Oligopoles que l’on connaît maintenant. 

Pour les cas USA ce n’est pas la guerre qui a affaibli le secteur, mais la prohibition, dont on parlera dans un article ultérieur, Anheuser-Bush (son nom actuel), s’est mis à vendre des glaces et autres subterfuges pour survivre durant ces années, puis une fois la période terminée, il est revenu en force avec quelques autres…. Mais le mouvement a vite déchanté car les américains ont commencé leur révolution brassicole artisanale dès le début des années 70 pour exploser dans les années 80, bien que puissant, il fallait chercher ailleurs et nous en parlerons justement dans quelques paragraphes. 

Pour revenir à l’Europe c’est ainsi que des brasseries comme Pelforth, Grimbergen, Hoegaarden et j’en passe sont passées dans les tentacules des groupes industriels au fur et à mesure des années, laissant peu d’espace aux quelques irréductibles indépendants. Seuls les belges et quelques pays comme l’Allemagne ont su résister à l’envahisseur dira-t-on, car la bière est ancrée dans la culture et la tradition familiale est gage de qualité, c’est le principe de l’industrie vinicole que nous avons en France par exemple. 

Aujourd’hui, les stratégies ont changées, mais le principe de base, l’intégration horizontale, lui, reste la principale action de ces groupes, au delà même de la stratégie d’intégration verticale. 

Mais nous reviendrons sur ces grands groupes en détail dans un autre article d’ici quelques semaines, on va éclairer votre lanterne à ce sujet! Je ne parle pas de la fameuse fusion avec Saab Miller car il y a énormément à dire, et nous y reviendront en détail à part (et j’ai aussi pas mal de documentation à lire).

Les stratégies des grands groupes pour vendre et gagner des parts de marchés

On en a parlé dans un précédent article, les Alewives, ces femmes fabriquant de la bière qui ont peu à peu été évincées du marché au profit d’une industrialisation gérée uniquement par les hommes. 

L’une des première stratégie de vente des brasseries a été de faire vendre la bière aux hommes d’une part mais aussi aux femmes en leur expliquant que tel ou telle bière était bonne pour satisfaire leur mari. Autrement dit, les 2 cibles vont sur un même axe : Le mâle! 

On va viser l’homme en lui disant que la bière c’est une boisson virile, velue etc…. Et on va viser la femme pour lui dire : “comme c’est toi qui fait tout dans la maison et s’occupe des courses, achète cette bière comme ça ton mari ne te battra pas ou ne t’engueulera pas” (oui je caricature…enfin quoique….) 

 

Cette stratégie de vente, à coup de pubs dans la rue,les journaux, dès le début de l’industrialisation a porté ses fruits et a durée durant des dizaines et des dizaines d’années. 

On a par exemple durant longtemps vendu des bières fortes, synonyme de virilité, ces fameuses bières qu’on appelle aujourd’hui “bières de Clochard”, les Bavaria 8.6 ou autres Amsterdam vendues une bouchées de pain dans les supermarchés ont esquinté leur image, et les bières de marques de supermarchés n’ont pas arrangé les choses pour que le consommateur voit la bière comme une boisson banale et se détache un peu de l’image d’avant, mondialisation et expansion du marché oblige. 

Peu à peu les choses se retournent contre les industriels, l’image s’écorne et les gens voient la bière comme l’alcool le plus bas de gamme possible, il est temps de relever la barre et les industriels l’ont bien compris, même si chaque pays réagit différemment, la vision d’ensemble n’est plus bonne et on s’est laissé trop longtemps reposé sur nos acquis, il est temps d’agir.

 

Genrer les bières

La révolution brassicole aux USA a tout doucement grappiller des parts de marchés, et comme ces groupes sont gérés par des actionnaires, le moindre grain de sable leur fait perdre de l’argent et ça, ça les enchante pas nos amis en col blancs… La perte (pourtant minuscule) de ces parts a poussé les industriels à chercher de nouvelles cibles. 

Avec la progression du féminisme et surtout l’indépendance de plus en plus croissante des femmes, nos amis industriels ont vite vu un potentiel : la ménagère de moins de 50 ans et + est une cible de choix, la femme de maintenant achète de la bière pour elle, les fabricants de vins l’ont compris assez vite, et ceux qui fabriquent des spiritueux pour cocktails aussi…. Alors après tout, pourquoi se priver de l’autre moitié de la population?

C’est là qu’ils ont décidé du coup, de genrer leurs bières, à savoir créer de toutes pièces des bières pour femmes, chose qui n’a jamais existé je précise. Là ce sont les équipes marketing qui se sont attablés et ont cherché à viser le public féminin, et il y avait du retard.

En effet, à mettre de côté durant des années les femmes, celles-ci ont, au fil des générations, occulté la bière, celle-ci faisant mauvais genre, les gars ont eu fort à faire pour reconquérir le public féminin qui s’était dirigé vers le vin ou les cocktails.

Alors c’est ainsi qu’on a vu resurgir les Kriek et autres bières sucrées, justifiant que les femmes aiment la couleur rouge ou rose, et surtout détestent l’amertume. Nos amis de l’industrie y sont allés en mode bulldozer pour inciter les femmes à boire leurs bières, on a vu l’apparition de bières sans alcool pour les femmes enceintes, des bières light, des bières sucrées, tout prétexte était bon pour jouer sur les clichés et ainsi vendre à tous les genres, mais en divisant, cependant, on le verra ensuite, le ciblage s’estompe doucement.

Alors on vise maintenant les plus jeunes, sans les nommer, on va vous sortir des bières axées “clubbing”, certaines sont du à façon simple (pas industriel comme Jamm”s) mais on peut citer en industriel, les Desperados, Mixery de chez Karslberg à Saarbrucken, ou encore la plus connue (hélas), la Skoll….. Des bières aromatisées à la Vodka et autres produits sucrés destinés à être bues la nuit lors des soirées, la bière s’est donc introduit doucement mais surement dans tout le paysage, que ce soit le genre mais aussi les générations.

Jouer l’authenticité et le pseudo artisanal

Face aux différents mouvements crafts, il y a eu un éveil du consommateur, en effet, celui-ci a découvert que l’artisanal a du goût, que de très nombreux styles autres que Lager ou Pils existent, que les bières s’accordent avec des plats etc….. 

Si les Belges, eux, ont su garder leur patrimoine brassicole, malgré la puissance des groupes, en créant notamment d’autres petits groupes industriels (Duvel Moortgat par exemple) mais sans écorner la “Belgium Quality”, il fallait agir pour que la bière, maintenant qu’elle est vendue aux 2 sexes, ne soit plus vue automatiquement comme un truc de clochard ou de footeux, non, la bière doit se boire comme un bon vin en gros, et ça, les industriels l’ont vite compris en voyant bouger le marché Américain de l’artisanal.

Alors on commence à proposer des recettes “authentiques”, rien de bien compliqué en soi, on change un peu la couleur du produit, on utilise des anciennes levures, on notifie les ingrédients sur l’étiquette (le houblon par exemple, enfin l’extrait de houblon dirons-nous, en vérité), tous les moyens sont bons.

On a pu voir récemment les industriels surfer sur la vague du Vintage en proposant des vieilles recettes comme tout récemment Carlsberg avec sa 1883 et sa bière trouble (via des levures) pour s’aligner visuellement sur le craft. Guinness avec son retour aux Porter via des bouteilles stylisées vintage, 1664 qui fait brasser des bières par la brasserie du Castellet estampillées « houblon » pour faire artisanal, ou encore Leffe qui va vous introduire des nouvelles bouteilles avec bouchon façon champagne dans un beau packaging pour vous signifier une bouteille de table stylisée “vintage”. 

Cette recherche de pseudo authenticité est là pour que les bières soient mises à table durant les repas, comme en Belgique depuis longtemps maintenant, et avec l’arrivée des accords mets et bières, initiés par Michael Jackson mais aussi en France par Elisabeth Pierre (et bien d’autres depuis), il faut que les bouteilles aient une belle bouille quand on dresse sa table. 

Du coup, ce côté vintage, bière de table et pseudo craft est là pour contrer les petits artisans qui font des recettes à l’ancienne, font preuve de belles astuces en packaging aussi, mais cela fonctionne de manière mitigée au final, alors il faut aller plus loin et proposer à des chefs de faire des accords mets et bières via des bières industrielles (coucou Philippe Etchebest). 

Donc vous l’aurez vu sur ce chapitre, une autre stratégie aperçue c’est de jouer sur le vintage et l’authentique, via des recettes améliorées et un packaging re-travaillé mais est-ce que cela suffit? Non parce que le public peut aussi chercher autre chose.

 

Vers une stratégie axée sur la modernité et la prise de conscience

Jouer l’authenticité c’est bien mais il faut vivre aussi avec son temps, alors, outre le sponsoring et autres bouteilles estampillées avec le nom d’une ville comme Heineken, certains vont la jouer subtil et essayer de jouer sur les nouvelles prises de consciences.

Dans les années 60 Heineken avait proposé une bouteille en forme de brique destinée à aider les populations pauvres d’Afrique notamment, à se loger, chose amusante quand on sait ce qu’ils ont fait là bas. Le projet n’a pas abouti car les 2 premiers projets de bouteilles furent d’une part trop lourd et trop coûteux, puis… trop efféminé (on était dans les années 60 rappelons-le). 

Plus récemment, Guinness a décidé de retirer la colle de poisson de sa fabrication pour devenir ainsi Vegan Friendly, et donc jouer de son image de marque, légèrement écornée par les Vegan eux-mêmes.

Enfin, tout récemment, on peut citer Carlsberg qui a fabriqué une bouteille en bois recyclable entièrement. 

Vous le voyez, en plus d’un budget conséquent en Marketing, ceux-ci n’hésitent pas à poser ce qu’ils ont sur la table en investissant en R&D et montrer l’exemple (soi-disant), sur ce que eux peuvent faire, et pas les autres par exemple. 

Bien entendu, personne n’est dupe, une entreprise suit les tendances pour ne pas faire de bad-buzz et donc perdre de l’argent, la démarche derrière est toujours bardée d’un minimum d’intérêt plus que de la conviction contrairement à quelques tout petits brasseurs qui eux, fondent leur entreprise sur leurs convictions par exemple. 

Mais voilà, il faut moderniser la chose, via des gadgets, des innovations, des actions coup de poing allant dans un courant de pensée actuel etc…. 

Le contrat brasseur, ou comment poser ses cojones sur une table ni vu ni connu

Nous y reviendrons en détail ultérieurement, notamment sur la partie juridique via de très bonnes sources, mais une autre très bonne stratégie qui existe aujourd’hui un peu partout c’est le fameux contrat brasseur.

Pour faire simple, vous voulez ouvrir votre bar, les licences sont onéreuses et l’investissement de base aussi, donc la banque vous prête de l’argent, mais vous devez encore penser à la déco, au mobilier etc… Alors là, les grands groupes entrent en jeu, dans un élan de générosité et grâce à des commerciaux bien rodés, ils vont vous proposer un deal.

Tu proposes uniquement les bières de ma boite, en échange je te file la déco, les meubles, les tireuses et tout ce qui va avec. Le petit patron de bar y voit là une opportunité parfaite! Il signe et aussitôt, son bar se retrouve affublé de parasols Carlsberg, d’un panneau Heineken ou de plaquettes déco Leffe (entre autres), sans débourser un centime quasiment. 

Cette stratégie, que je trouve ma foi assez intelligente sur le coup, fait que la plupart des bars ou vous allez, se ressemblent tous, le merchandising autour de ces contrats est parfaitement rodé, si bien que vous ne voyez que eux au final. 

Le contrat brasseur a une réelle valeur juridique, et verrouille en quelque sorte le patron avec son fournisseur qui lui, sauf exceptions, ne peut fournir que les bières liées à son contrat.

Plus récemment, les brasseurs indépendants ont voulu faire abroger ce type de contrat, qui, avec la révolution brassicole actuelle, est perçue de plus en plus comme de la concurrence déloyale, empêchant ainsi les petits d’entrer chez certains bars. 

Bien sur, quelques-uns ouvrent un bec ou deux, mais force est de constater que cette forme de verrou à la concurrence fonctionne bien, si bien que même si demain on jugeait les contrats brasseurs non recevables, les bars ne proposeraient pas d’autres bières car leur clientèle est trop habituée et ne veut plus d’autre bière que celles du patron. 

Vous le voyez bien, ici, on est sur un système savamment étudié, mais les nouvelles générations se lassent de ces bars PMU, le bistrot change et maintenant les gens cherchent un endroit unique, différent, donc de plus en plus de patrons boudent les contrats brasseurs, préfèrent s’endetter un peu plus mais proposer mieux, et croyez moi, les plus malins ont un retour sur investissement rapide. 

Même si les contrats courent toujours, ils sont attaqués après des années à fonctionner sans aucun obstacle, et ce sont ces fameux Beer Geeks et autres petits brasseurs qui en sont les responsables, ce qui ne plaît pas beaucoup et a décidé les gros d’attaquer les plus petits, quitte parfois à en être un peu limite. 

Attaquer de front les petits

Face à la révolution brassicole mondiale, nos amis de la grosse industrie ont eu fort à faire pour redorer leur blason. Certes, leur part de marché reste immense en comparaison des brasseurs artisanaux, mais n’oublions pas que ces groupes sont des machines financières cotées en bourse!

Comme nous le disions plus haut, le moindre grain de sable peut enrayer la machine et faire perdre de l’argent aux actionnaires. Alors mieux vaut se défendre, même pour quelques % de part de marché. 

Alors on l’a vu plus haut, nos amis s’amusent à copier les brasseurs artisanaux, mais ils ont su aussi essayer de ridiculiser les petits. Je n’ai pas énormément d’exemples à ce sujet, mais citons surtout les américains de chez Bud qui se sont amusés à tourner en dérision les Beer Geeks dans une pub pour le Superbowl. 

Evidemment, là ça reste anecdotique, mais force est de constater que nos amis ont montré qu’ils avaient bel et bien vu ce qu’il se passait dans le secteur, mais la pub n’a pas forcément porté ses fruits, elle a même plutôt amusé certains du milieu artisanal, d’autres furent agacés, mais comme on dit, ce qui ne tue pas rend plus fort et ceci a eu comme répercussion de galvaniser quelque peu la concurrence.

Le plus gros souci avec cette tentative, c’est que plutôt que s’attirer cette clientèle, l’industrie s’en est moqué, et comme un client non satisfait se fait toujours plus entendre que celui qui est satisfait, ca a forcément fait du bruit. Du coup, quand un industriel se moque d’une clientèle possible, on peut y voir ici un mépris bien visible (et payé cher à coups de millions de dollar pour le Superbowl), et ça, même les clients ciblés et fidèles ont pour certain peu apprécié de voir leur marque se moquer ainsi d’autres consommateurs, même si cela a été traité avec “humour”. 

Mais nous verrons en deuxième partie que face à cette erreur, ils ont su se rattraper autrement.

Le cas Brasseurs de France

Voilà quelque chose qui relève du lobbying quelque part, il s’agit du groupement, théorique, de tous les brasseurs du pays, qui ont donc formé un alliance pour peser face à diverses décisions politiques par exemple. 

Il faut savoir que c’est un syndicat fondé en 1878, visant à regrouper tous les brasseurs du pays. Hors, si vous les écoutez, ceux-ci prétendent représenter presque 100% du milieu brassicole, chose fausse, ou plutôt détournée car ils représentent plus de 90% du volume produit et non pas plus de 90% des brasseurs du pays. En fait cette opacité vient du fait que les membres sont surtout des brasseries assez solides, industrielles mais pas toutes issues de groupes comme Ab-Inbev par exemple. Il y a aussi des indépendants artisanaux, bien que de plus en plus rares.

En fait, si le pitch de départ est intéressant, on se rend vite compte que les plus petits sont sous représentés, bien que le collectif présente des idées intéressantes, le lobbying des plus gros est bel et bien présent. 

Ce mauvais équilibre fait que de nombreux brasseurs indépendants ont quitté le navire, et, soit sont restés 100% seuls, soit ont adhéré à d’autres groupements dont le plus connu, le SNBI est un véritable représentant des brasseurs artisanaux. 

Le fait que récemment beaucoup de brasseurs soient partis vient du fait que les voix, lors des assemblées, ne sont pas valorisées en fonction de la brasserie (1 voix = 1 brasserie) mais du volume de celle-ci, ainsi, les plus gros pouvaient donc avoir une quasi certitude de tout faire aller dans leur sens. Partant de ce constat, beaucoup ont donc décidé de partir, ne se sentant pas représentés. C’est en tout cas l’explication qui m’avait été rapportée à l’époque, et que je vous retranscris ici.

Là encore, bien que très opaque, on peut voir là dedans une tentative de museler les petits et garder le contrôle sur le marché.

Après, je ne renie pas l’utilité de Brasseurs de France en soi, je pense juste qu’ils ne jouent pas dans la même catégorie, je suis un fervent défenseur des brasseurs artisanaux, et je n’apprécie pas toujours leurs méthodes, bien que certaines initiatives restes cohérentes et pas forcément mauvaises des fois, cependant il est dommage que les syndicats se tirent dans les pattes parfois pour les mêmes choses, comme par exemple en instaurant divers labels sans réel harmonisation, je pense que plusieurs syndicats n’est pas une mauvaise chose, mais chacun a de bonnes idées qui nécessitent une harmonisation plutôt que de chacun faire les choses dans son coin en se regardant de travers, mais ce n’est que mon opinion.

En conclusion de cette 1ere partie

Nous avons vu ici en gros, les bases mêmes de ces grands groupes et leur stratégie la plus simple, à savoir :

  • Grossir le plus possible (en intégration verticale ou horizontale) pour être assez solide en cas de crise (on l’a vu avec la guerre par exemple)
  • Cibler sa clientèle et s’y adapter en fonction des évolutions sociétales (Englober le marché féminin par exemple)
  • Copier l’artisanal à travers des recettes similaires, des étiquetages adaptés ou des refonte de design complète (bouteilles vintage etc…)
  • Jouer à fond la carte du marketing sur la modernité, l’écologie, la R&D etc…. En gros montrer qu’on avance avec son temps et surtout qu’on fait preuve aussi d’ouverture d’esprit (bouteilles en bois de Carlsberg par exemple)
  • S’infiltrer chez les débits de boissons via des contrats brasseurs pour asseoir une position dominante qui reste légale pour le moment aux yeux du marché
  • Discréditer tant que possible la clientèle des brasseurs artisanaux
  • Créer un syndicat relativement opaque pour réguler le marché à sa sauce, en toute légalité encore une fois et ni vu ni connu

 

Nous verrons dans la seconde partie, qui sera publiée dans très peu de temps, que nos amis de l’industrie ont su trouver d’autres façons de faire pour faire face à ce nouveau marché, qui, plutôt qu’être un concurrent leur est apparu au final comme une manière d’en tirer profit sans faire d’étincelles.

Ps: les sources seront toutes données dans la 3ème et dernière partie

(Image en tête : The Mad Fermentationist)

Greg
Marseillais amateur de bières, je vais vous faire découvrir cette boisson à travers son histoire, des dossiers, de l'actu et enfin des tests de bières diverses et variées!

15 Replies to “Les grands groupes industriels brassicoles et leurs stratégies : Partie 1

  1. Bonjour, savez-vous si une fois un contrat bière signé, le détaillant peut-il obtenir un second prêt pour étaler la dette dû au titre d’hectolitres impayés au brasseur?
    Ou est-ce qu’il existe une loi spécifique sur les délais de paiement de la bière et qu’il en découle (sans jeu de mots) une obligation de respecter les délais de paiement sans pouvoir obtenir un prêt?
    Merci de m’éclairer.

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