Brasseries Découverte de lieux

Visite de la brasserie Carteron alias la Trop’ !

L’été dernier, je suis contacté par une jeune fille prénommée Margaux, qui a un contrat saisonnier au sein de la brasserie Carteron située à Hyères dans le Var (83). Celle-ci me propose de venir découvrir la brasserie.

Je dois avouer que la demande m’a surprise, connaissant la brasserie, je ne pensais pas que mon site les intéresserait, n’étant pas de la région et parlant de beaucoup de bières un peu geeks, bien que n’étant pas fermé au classicisme. 

Après quelques péripéties pour se trouver un créneau, je me rends donc à la brasserie début Septembre, sans trop savoir à quoi m’attendre, n’ayant été en contact qu’avec Margaux, qui entre temps avait cessé son contrat saisonnier. 

 

Boire une bière à Hyères plutôt que demain

Hyères, je connais très bien. J’ai passé la majorité de mes vacances d’été avec ma famille, à louer un petit studio dans le même quartier près du port de la ville, dans la zone des Pesquiers. Un lieu, qui petit, était hyper dépaysant, alors que c’était à 1h de ma propre ville, mais voilà, comme Pagnol enfant, partir loin n’était pas forcément un critère pour passer de bons moments et jouer avec mes amis de vacances que je retrouvais chaque été jusqu’à mes 10 ans. 

De fait, retourner à Hyères c’était un peu de la nostalgie qui revenait, et puis en plus, là, c’est pour de la bière, autant vous dire si j’avais su qu’un jour je reviendrais dans ce lieu emblématique de mon enfance pour visiter une brasserie je ne l’aurais pas forcément cru. 

Alors là bien entendu, exit les pins, les cigales et les plages, allons dans une zone industrielle à quelques encablures du quartier d’été de mon enfance pour arriver dans un grand espace, pas vilain du tout, où se côtoient plusieurs sociétés, dont mon sujet du jour. Le local ressemble plus à de grosses maisons aux teintes ocres qu’un gros hangar de tôle, l’ensemble autour est orné de quelques arbres et au fond on voit bien les collines très vertes du département varois. 

Je me gare, franchis le seuil de la porte et là je rencontre Thomas, qui m’accueille avec un grand sourire. On se connait finalement sans se connaître, lui lis mon site, moi je connais ses bières, mais on ne sait pas grand chose au final l’un de l’autre. Et qu’elle n’est pas ma surprise de découvrir une brasserie dont je pensais l’installation beaucoup plus grande! 

 

 

Une brasserie très organisée pour un produit stable en permanence

Quand je parle de surprise sur la grandeur, ce n’est pas péjoratif, au contraire. En fait, la Trop’ je connais pour l’avoir vu maintes fois en supermarché, de fait, je me disais au début, et à tort, que ce devait être quelque chose à façon, ou une grosse unité un peu comme Fada qui inonde la Provence en mode craft washing car tenu derrière par un grand groupe. 

Bien mal m’en a pris, en fait, la brasserie est dans le classique et elle a un très bon réseau pour sa revente, notamment en GMS. Alors bien sûr, quand on parle de volume je ne parle pas de 100hl, on est tout de même sur un honorable volume de 2000 hl, mais qui surprend, tant le produit est bien distribué et marketé. 

En fait, ce qui saute aux yeux, c’est l’organisation. Le local est d’une bonne taille, sans être immense, mais il est bien agencé, optimisé, et il peut encore s’agrandir en termes de volume de production, il faut dire que Thomas a pensé à l’avance au jour où il devra augmenter son volume. Actuellement à 2000 hl, il envisage prochainement de passer à 3000 hl en sachant qu’il peut grimper jusqu’à 4000 hl sans avoir besoin de déménager. 

Cette organisation est vraiment ce qui me marque le plus, c’est propre, carré, optimisé, on comprends mieux le classicisme et la stabilité des produits, on est moins dans de la débrouille, du freestyle comme chez certaines brasseries débutantes ou très geek par exemple. 

Le matériel vient en partie de Chine, en partie d’Italie, et l’embouteilleuse est français et locale (la marque GAI, que j’ai pu revoir aussi chez Sibeeria et B.A.P dans le 13 à Rousset). 

Mais au-delà du visuel, je voulais comprendre un peu mieux la brasserie, le parcours. 

 

 

Du vin à la bière

Thomas vient à la base du milieu du vin. Il a œuvré un certain temps dans le domaine viticole et c’est là qu’un jour, lors d’une session vendange, autour d’un apéro, un ami lui dit avec humour “Et si tu faisais aussi de la bière?”. La réflexion fait sourire mais elle fait aussi réfléchir, nous sommes avant 2008, la révolution brassicole n’a pas débuté chez nous, il y a donc un marché à prendre car très peu de brasseries avaient été fondées à cette époque. 

Thomas se décide finalement à franchir le pas, mais intelligemment, il ne quitte pas tout pour la bière et garde un pied dans le vin biodynamique qui lui est cher. Après avoir appris les rudiments du brassage, il décide de faire du Gypsy chez la brasserie du Mont Blanc, une des rares brasseries du Sud qui existe à l’époque. Les débuts sont bons, on est en 2013, Thomas installe son premier petit local du côté de la Londe les Maures, se sentant capable de voler de ses propres ailes. 

Au début, Thomas, comme je le disais, continue de jongler entre sa passion de toujours et sa nouvelle passion, mais à jongler entre le houblon et le raisin, il faut faire un choix, et celui-ci sera en direction des cônes de houblon plutôt que les grappes de raisins. Avec une activité 100% consacrée à la bière, les volumes augmentent, la demande aussi, car Thomas, de par ses années dans le vin, a acquis un bon réseau pour se faire distribuer entre les cavistes, les restaurants et les GMS, et son produit est bon. 

Nous arrivons en 2016, la Trop’ commence à se faire doucement connaître dans le département. Il faut avouer que le nom attire l’œil, de même que le visuel un peu vintage typique de vieilles affiches des années 50-60 glorifiant la côte d’azur. Le nom n’est pas anodin, on est près de St Tropez, et, sauf erreur dans mes notes, Thomas a commencé son parcours brassicole avec l’aide d’un ami qui était justement du côté de la ville du célèbre gendarme, le nom fut tout trouvé. 

Toujours en 2016, le succès aidant, il faut penser à déménager, et c’est là où se situe ma visite que Thomas va trouver son nouveau fief, la ville de Hyères, à quelques kilomètres de son tout premier local. 

 

 

Une gamme classique et des belles valeurs

Chez Carteron, avec des débuts dans le vin en biodynamie, nul doute que la brasserie cherche à être la plus verte possible. Alors certes, elle n’a pas la possibilité (encore) de poser un toit 100% en panneaux solaires comme chez Bulles de Provence, mais on elle recycle ses drêches auprès des agriculteurs, elle se fournit en matières premières auprès de locaux, et tant que possible, son matériel est lui aussi local ou français, exception faite des cuves (mais surtout parce que les prix sont excessivement chers en France). 

Ajoutons à cela le fait que la brasserie donne beaucoup à des ONG et embauche des travailleurs handicapés dans son équipe, tout en faisant en sorte que son équipement s’adapte à eux. Embaucher des travailleurs ayant un handicap c’est quelque chose qui me plait, déjà parce que je suis pour l’inclusion, pour que tout le monde puisse avoir sa chance, et le handicap c’est quelque chose qui me tient à cœur car l’un de mes meilleurs ami.e.s est lui même en situation de handicap. Thomas ne fait d’ailleurs pas cela par altruisme “fiscal” il le fait réellement par conviction, car, comme il le dit très bien, si on optimise l’outil comme il faut, alors handicapé ou pas, le talent du brasseur se révèle. 

Autant vous dire que pour le moment je suis assez conquis, une brasserie propre et organisée, un accueil chaleureux, une histoire intéressante, et des belles valeurs, il ne manque que découvrir la gamme pour compléter ma visite. 

Alors en ce qui concerne la gamme, comme nous le disions au début, on est sur du classique pur et dur, enfin, pas tout à fait quand on y regarde plus attentivement. Si en supermarché on voit le sempiternel jeu des 4 couleurs (blonde, blanche, brune, ambrée), en vérité, chez Carteron ce ne sont pas moins de 17 recettes qui existent, de la bière de Noël, à la bière fumée en passant par de l’IPA et de la double IPA, il y en a un peu pour tous les goûts. 

Actuellement, la brasserie se recentre sur un nombre de recettes plus petit, moitié moins que les 17 auxquels je faisais allusion. On trouve d’ailleurs une gamme bio, et même une version sans gluten de sa bière blonde. Une autre gamme, dont Thomas est très fier, est la série des P 47, qui est une série de recettes brassées avec l’eau de source de Hyères, dont il a eu l’autorisation d’exploitation tout récemment. 

Outre les bières, il existe aussi une série de Hard Seltzer déclinés en 3 recettes, qui connaissent un franc succès dans les soirées Azuréennes. 

Au final, une gamme classique sans l’être qui dénote de l’image que j’avais d’elle au tout début, et qui me conforte dans ma réflexion sur ce qu’est une bonne ou une mauvaise brasserie au final

 

 

Une très agréable surprise

Carteron reflète typiquement l’idée que je me fais de ce milieu, il faut rencontrer avant de juger, connaître l’histoire et les valeurs avant de pouvoir se permettre de dire qu’une brasserie est bonne ou mauvaise. Le cas de Thomas en est presque un cas d’école : une gamme vendue en GMS, des recette distribuées qui sont classiques, directement le geek perçoit la brasserie comme une brasserie fadasse sans avoir pris la peine de se renseigner un minimum sur celle-ci. 

Et bien non, les bières ne sont pas fades, les recettes sont plus variées qu’on ne le pense, et surtout, il y a une réelle maîtrise de son sujet car, comme je le disais dans mon article précédent, on a justement ce côté générationnel qui entre en jeu. Thomas n’est pas un jeune loup de 25 piges qui se lance à toute berzingue dans des jus de houblon barrés avec des étiquettes colorées sur des cannettes. Celui-ci a une maturité et une longue expérience dans le domaine du vin, il privilégie donc une stabilité et une qualité pour une clientèle grand public. Bien sûr, le geek quelque peu modéré comme moi, et un tant soit peu ouvert d’esprit, trouvera aussi son bonheur sur une fumée ou une double IPA, mais ici le public visé est celui des néophytes et des occasionnels. 

Pour le fait que l’on retrouve beaucoup ses recettes en GMS, il faut comprendre que venant du vin, Thomas avait déjà son réseau, de fait il ne lui a suffit qu’à passer les coup de fil aux bonnes personnes pour trouver de quoi se faire distribuer ensuite. Pour les cavistes, ceux-ci ont droit à quelques autres recettes inédites citées précédemment par exemple. On trouve de la trop’ en Grande Bretagne et en Australie grâce à quelques demandes étrangères, une manière de prouver que même si on ne va pas dans le geek absolu, on peut aussi trouver sa place sur un marché international. 

Carteron c’est une belle aventure, une belle histoire avec de belles valeurs, et je ne dis pas cela parce que j’ai été très bien accueilli, je le dis parce que je l’ai vu et constaté. On peut très bien demain visiter une brasserie geek et être accueilli par le dernier des connards, de même pour une brasserie très portée sur du classique et de la qualité comme ici. Non, il faut comprendre que la brasserie reflète le cas de beaucoup d’autres, qui viennent d’un milieu initial différent des autres, avec des fondateurs plus âgés et expérimentés, qui visent un autre type de public, et de fait, leurs bières ne sont pas “fades”, elles sont bonnes justement, mais adaptées au grand public. 

Finalement, je suis reparti enchanté de ma rencontre, et avec autant de bières que d’idées de projets éventuels avec la brasserie. On a même le luxe, et vous l’aurez lu ici, de se faire sponsoriser une émission de notre podcast par Thomas, et, vous l’aurez deviné, on va vous parler du Gendarme à St Tropez (et toutes ses déclinaisons). 

En bref, Carteron c’est une brasserie à connaître, qui, même si elle est classique pour certains, reste un produit stable, équilibré et bon qui est fabriqué par un artisan passionné et rigoureux, et ça pour moi, c’est une brasserie qui a autant de valeur que la plus geek des brasseries du top 5 des sites de notation. 

Du coup, encore un énorme merci à Thomas et son équipe pour leur accueil, et vous retrouverez quelques bières sur le site très prochainement. En attendant, quand vous verrez une Trop’ chez votre caviste ou votre supermarché du coin, vous saurez dorénavant ce qu’il se trame derrière cette étiquette, et peut être que si vous mettez de côté un certain embourgeoisement du palais à force de boire du geek, vous apprécierez justement le produit à sa juste valeur! 

 

Les fameux Hard Seltzer

 

Greg
Marseillais amateur de bières, je vais vous faire découvrir cette boisson à travers son histoire, des dossiers, de l'actu et enfin des tests de bières diverses et variées!

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