On va parler aujourd’hui d’un élément bien connu de tous, et ce, depuis bien des années, la canette!
Bien sur, la canette ce n’est pas inhérent à la bière, on trouve ce format pour un tas de boissons, mais à la base on ne désigne pas par canette un contenant cylindrique en aluminium, non, on désignait par ce mot un récipient pour la bière apparent à un vase et doté d’un bec verseur et/ou d’un couvercle.
L’étymologie d’ailleurs du mot vient de l’Allemand Can qui signifie “cruche” et qui a ensuite été repris en vieux français, puis en anglais, avant de devenir le mot canette chez nous.
Qui de l’oeuf ou la poule a fait la première canette?
La première canette de bière est née en 1935, on ne peut pas parler à proprement parler de canette, mais plutôt de son ancêtre. Il s’agit d’une brasserie du New Jersey, la Gottfried Krueger Brewing Company qui a commercialisé les 1ère bières dans des boîtes en fer blanc sans ouverture préalable.
On était pas encore sur l’aluminium, on était sur de la “tin can”, muni d’un ouvre boîte spécial on faisait 2 trous, l’un pour laisser s’échapper l’air, l’autre pour verser le liquide. Ce n’était pas encore pratique, mais cela avait son utilité, dont nous parlerons plus tard dans l’article.
En 1959, Coors, la bien connue, utilisera ce format mais avec l’aluminium, les débuts de la canette telle qu’on la connaît en quelque sorte, mais toujours sans aucune ouverture facile. Il faudra attendre 1962 pour que la société Alcoa, gros producteur d’aluminium, et la brasserie Pittsburgh Brewing commercialisent, grâce à l’invention de Ermal Fraze, la 1ère canette à ouverture facile, qu’ils vendirent via leur bière “Iron City” en explicitant comme slogan “ouverture facile”.
C’était l’année…. 62!
On l’a donc vu, 1962 marque la naissance pure et simple du format standard que l’on connaît aujourd’hui, à quelques exceptions près.
En effet, à partir de 62, le format se démocratise, et la canette est utilisée dans la bière, mais aussi dans les autres formes de boissons comme les sodas par exemple. On trouve donc les canettes partout, le format se propage comme une traînée de poudre dans tout le territoire américain jusqu’à arriver en France au début des années 70, et se font appeler canette, nom donné par les québécois à ce récipient, dérivé du “can” anglais.
Pourtant, le format n’est pas encore tel qu’on le connaît aujourd’hui, en effet, regardez bien votre canette, vous avez bien cette ouverture facile via cet anneau n’est-ce pas? Vous ouvrez votre canette, tournez l’anneau, placez votre paille dedans, ou bien vous le laissez tel quel et vous buvez directement (mais plutôt déconseillé pour des raisons d’hygiène).
Dites-vous qu’avant l’anneau ne pouvais pas rester, donc on prenait sa canette, on l’ouvrait, et l’anneau était jeté. Déjà, ça pollue, mais à l’époque, on s’en fichait pas mal par rapport à maintenant, non, surtout l’anneau avait des bords tranchants, et nombreux sont les gens, sur les plages par exemples, qui se sont blessés.
Il aura fallu la distribution et donc la standardisation de l’anneau attaché à la boite pour soulager enfin les petons des gens. On peut donc remercier Daniel F. Cudzik, qui, travaillant pour la Reynolds Metals Company (qui a fusionnée en 2000 avec…Alcoa citée plus haut), durant 5 années a pu mettre au point ce procédé, breveté en 1976 et appelé “Stay-on-tab”.
Notre format de canette standard et bien connu était né, et si on y regarde, cela n’est pas si vieux que cela! Avec les années, le format a quelque peu évolué, s’allégant un peu plus, changeant la largeur de son ouverture, ou ayant des systèmes d’ouverture qui peuvent se refermer par exemple.
A noter toutefois, en Europe, contrairement aux USA, on trouve encore beaucoup de canettes de fer blanc avec un opercule en aluminium, cela est dû à l’influence des groupes sidérurgiques pour diverses raisons qui leur sont propres et dont on ne va pas parler ici, c’est un autre débat.
Un avantage logistique évident
On entends un peu tout et n’importe quoi à ce sujet, le débat est assez vif sur ce contenant, spécialement en Europe ou celle-ci ne s’est pas encore bien démocratisée pour la bière, alors bien sûr, il y a de réels avantages, et de réels inconvénients et nous allons en parler, à commencer par ses avantages.
Il faut savoir que la canette, contrairement à la bouteille, c’est un format qui se veut plus léger, autrement dit, si une bouteille en verre pèse en moyenne, en 33cl, 180 à 200g, une canette, elle, n’en pèsera que 10g maximum par exemple. Ce gain de poids et aussi de place, dans le transport et le stockage est très important.
Travaillant dans le transport, j’avais déjà écrit sur l’aspect transport et export des marchandises histoire d’aider les brasseurs qui voulaient approfondir leurs connaissances en la matière. Si vous voulez transporter vos canettes, vous devez optimiser vos palettes par exemple, en ce sens, si le format de la palette en lui même varie peu, vous allez payer à l’espace occupé par celle-ci, or, selon le nombre d’unité envoyées, vous pouvez mettre plus de canettes que de bouteilles sur une seule palette, vous y gagnerez en nombre d’unités palettisées (vous pouvez aisément gagner en hauteur vu que le cylindre, contrairement à la bouteille, s’empile facilement sur un autre), et vous y gagnerez aussi en volume de palette envoyées. Par exemple, si on vous commande, en tant que brasseur, X unités de bières, et que vous n’avez que de la bouteille, peut être que tout va tenir sur 2 palettes, une qui sera blindée en hauteur maximale (attention à la stabilité) et une autre plus petite. Le transporteur vous fera donc payer 2 palettes.
Si votre volume, identique, est en canette, selon celui-ci, vous pouvez par exemple tout envoyer sur une seule palette qui sera du coup, moins lourde, et moins haute, vous réduisez ainsi vos frais d’expédition. On a ici un réel avantage logistique et volumique.
La canette, écologiquement supérieur à la bouteille de verre classique
D’un point de vue écologique, il y a un avantage, certes, ça pollue quand même, on ne va pas se voiler la face, toutefois, la canette n’a pas besoin de consignes, et, contrairement à la bouteille, est entièrement recyclable de manière très simple!
Nous en avions parlé lors de notre article sur Carlsberg et sa fameuse bouteille en bois, les bouteilles en verre sont certes recyclables, mais elles le sont difficilement tandis qu’une canette se recycle rapidement et très facilement.
L’Allemagne, par exemple, recycle jusqu’à 96% de ses canettes (nous en France, on est à 67% ce qui est encore trop peu), les Suisses, 91% et ce n’est qu’un échantillon de chiffres que je vous rapporte là.
Et pour la bière, quelle est l’avantage?
Un avantage pour la bière, mais pas à 100%
Le principal avantage d’une canette c’est que contrairement à une bouteille, le liquide est beaucoup mieux préservé. La fermeture est plus hermétique d’une part, le contenant plus solide, et surtout il est protégé des UV.
C’est d’ailleurs cela qui rend les bouteilles de bières difficilement recyclables, à cause de leur teintes opaques, marrons ou vertes (le vert étant le pire à décolorer) qu’il faut supprimer avant de pouvoir les recycler.
De ce fait, une bière en canette sera bien mieux conservée et stockée, préservant donc ses saveurs, et protégeant aussi la bière de soucis d’infections par exemple, liées à des microfissures dans le verre ou autre, favorisant souvent le fameux gushing (mais on parlera de la mousse une autre fois). Attention toutefois, je ne dis pas que la canette est un contenant qui ne peut pas faire face à des soucis de production et de remplissage, simplement que la bouteille, elle, présente plus de risques en soi.
La canette est donc un format qui semble parfait pour la bière, mais en vérité, on ne peut pas se passer des bouteilles et ce, pour plusieurs raisons.
Déjà, si les américains, ou les anglais, ont démocratisé plus que les autres la canette c’est surtout parce que leurs bières sont pasteurisées (et là aussi je vous prépare un article sur cela), autrement dit, elles ne refermentent pas, donc la bière que vous avez dans la canette ne bouge pas, elle est figée dans le temps et ne va pas s’altérer autrement que par sa péremption classique.
En Europe, notamment en France ou en Belgique, on a des bières artisanales qui sont souvent refermentées, le fameux dépôt de levure au fond du verre. Autrement dit, si la bière refermente, c’est la bouteille qui est le contenant le plus adapté, on va privilégier ce contenant avec bouchon plutôt que la canette classique. D’ailleurs, il est compliqué d’exporter du craft français aux USA à cause de cela, ils ne veulent rien qui ne soit pas pasteurisé, rendant quasi impossible l’entrée sur le marché des bières artisanales européennes.
Un désavantage pour la santé avéré
Il est évident qu’on ne pouvait pas vous parler de la canette sans vous faire part de ses inconvénients, et par inconvénient, on va surtout parler de l’inconvénient principal à savoir la santé.
Bien sûr, je ne vais pas oublier le fait que beaucoup d’entre vous n’aiment pas la canette par rapport au goût, certains vont y voir un goût métallique, altéré qu’ils ne retrouvent pas dans la bouteille, mais cet inconvénient ne peut se lister en tant que tel car il est vraiment à l’appréciation de chacun, qui plus est, les industriels ont, aujourd’hui, appliqué une couche de film sur l’intérieur des canettes visant à justement, ne pas altérer le goût du contenu, autrement dit, on ne devrait pas y voir une différence. Personnellement je n’en vois pas, le principal goût métallique que je peux ressentir c’est si je bois directement à la canette, on a ce fameux goût métallique, mais cela peut s’appliquer aussi au sodas, le reste est surtout devenu psychologique pour moi.
Pour revenir à l’inconvénient majeur, on a donc un réel souci de santé, en effet, en 1992 une étude publiée révèle que le taux d’aluminium est quintuplé dans les boissons contenues dans les canettes, on soupçonne même l’aluminium d’être un acteur dans la propagation de la maladie d’Alzheimer.
Cependant, pour pallier à cela, le fameux film alimentaire que nous évoquions plus haut a été appliqué pour justement éviter que le produit ne soit en contact direct avec la matière métallique. C’est pour cela que je disais que si un goût métallique a pu se ressentir à une époque, aujourd’hui il n’en est théoriquement plus rien via ce fameux film alimentaire.
Ce film, en revanche, présente un réel danger car il contient du Bisphénol A (en tant qu’anti oxydant) qui se révèle être un perturbateur endocrinien dans un certain volume, autrement dit, cette molécule, à une certaine dose, peut entraîner des anomalies physiologiques ou reproductives (ca peut altérer l’humeur, la croissance etc… beaucoup de choses, que ce soit pour nous ou les animaux).
Depuis 2010 le Bisphénol A a commencé à être retiré par de nombreux industriels (sans que l’on sache si ce qu’il l’a remplacé est bon ou pas pour nous ceci étant dit), seul Coca Cola, parait-il, a essayé d’éviter son interdiction via du lobbying.
En vérité, l’interdiction de cette molécule a été votée aux USA pour tout ce qui concerne les enfants en bas âge (biberons, gobelets etc…) mais aucune interdiction réelle à ce jour n’existe aux USA, mais en France, l’utilisation est interdite depuis 2015.
Il faut savoir que le Bisphénol A, à très faible dose, comme l’aluminium, n’est pas dangereux en soi, tout est question de volume. A savoir que si vous consommez plusieurs canettes de sodas ou de bières par jour, vous risquez plus de mourir d’un souci de foie que d’un souci lié à de l’aluminium ou des perturbateurs endocriniens, soyons honnêtes.
Néanmoins, dans des études réalisées, dont une faites par Karin Michaels, en 2011, professeure associée d’épidémiologie à Harvard qui a démontré qu’en faisant boire chaque jour, durant 5 jours, de la soupe en canette à ses volontaires, ceux-ci ont eu une augmentation de près de 1 000% de Bisphénol A dans leur urine qu’une personne ayant consommé le même volume de soupe mais faites maison (donc sans contenant industriel).
Il est donc avéré que cette molécule est un réel problème, cependant aucune étude sur la bière en canette n’ayant été fait, cela permet aux industriels les plus véreux de persister à utiliser ce composant dans leurs canettes car en dépit du bon sens des autres études, ils attendent une réelle preuve, autrement dit, être mis au pied du mur pour envisager, et encore en essayant de contester, de supprimer ce composant.
Leur intérêt est monétaire, car s’il faut trouver une alternative, cela signifie payer des études, de la R&D et aussi et surtout payer une molécule plus chère car pas encore rentabilisée par des économies d’échelle si elle est nouvelle sur le marché.
Heureusement, certains sont plus éthiques, comme la brasserie artisanale Oskar Blues qui a décidé de supprimer ce composant de leurs canettes (bien que je ne sais pas par quoi ils ont remplacé celui-ci).
Bouteille ou canette alors?
C’est là que le débat principal entre en jeu, les anglo-saxons préfèrent la canette, les autres la bouteille, tout est question de point de vue.
Chacun a ses avantages et ses inconvénients, si on revient sur la santé, l’aluminium, vous en consommez partout, que ce soit en vous maquillant, en mangeant via vos couverts ou en buvant l’eau d’un robinet, de même que le Bisphénol A, vous trouverez un tas d’autres choses malsaines pour le corps dans le jambon que vous mangerez, le soda que vous boirez etc….
La bouteille se recycle mal, la canette si, bref, chacun a ses points négatifs et positifs, mais d’un point de vue purement pratique, pour l’amateur de bière, le choix est compliqué.
Personnellement, j’apprécie ce format, les brasseurs font de très belles canettes, avec un revêtement au toucher agréable, de jolis dessins dessus, bref, on est sur de beaux produits qui n’ont plus rien à voir avec les canettes industrielles et ce, depuis un long moment. Quelques brasseries en font maintenant, pour des questions de logistiques ou par simple envie, et cela n’altère en rien la qualité du produit.
Bien sur, une gueuze, une bière refermentée, seront mieux dans une bouteille bouchonnée qu’une canette, c’est évident, autrement dit la canette ne peut s’adapter à tous les styles et méthodes de fabrication (comme les bières non pasteurisées).
Les arguments de bases sur le goût aussi sont pour moi incohérents, cela reste psychologique, et donc personnel en tout point, nullement technique. Force est de constater que la canette n’existe en France qu’à très faible dose dans le craft, contrairement aux pays américains par exemple.
Mais cela au final est aussi lié à notre culture, nous aimons l’idée d’avoir une belle bouteille à table, que ce soit du vin ou de la bière, de ce fait, on ne se voit pas déposer une canette de 1.75l (ce qui existe très peu je pense) sur une table pour servir cela durant un repas. Pour nous ce serait blasphématoire, le vin en canette ne doit pas exister, alors qu’il existe bel et bien ailleurs.
On ne peut boire du whisky ou de la bière en canette dans un repas, les espagnols, les italiens, les belges, les allemands et j’en passe sont tous habitués à cette standardisation des boissons à table via de belles bouteilles bouchonnées ou encapsulées, autrement dit la canette ne peut se substituer, culturellement parlant à cela.
Le fait est que de base, les américains sont moins issus de cette culture là, le vin étranger est très cher, et il ne se cultive pas partout dans le pays qui est immense qui plus est.
Je me souviens qu’aux USA, à Flagstaff près du Grand Canyon, j’ai bu des coups à la Dark Sky Brewery, un de mes gros coup de coeur, et cette brasserie m’a encanetté ma bière sur place.
Enfin la canette en Europe a une image dégradée par les industriels (on y revient!), la bière en canette s’assimile vite à la bière de clochard, la Bavaria ou autre bières fortes et bas de gamme, du coup une belle bouteille fait plus vendeur, plus sérieux.
Petit à petit, la canette se fait accepter, mais pour cela, on doit d’abord accepter les canettes des étrangers avant de vraiment envisager d’appliquer cela en masse chez nous. Et puis le format bouteille reste plus classe aussi, plus ancré sur une notion de partage notamment avec les grandes bouteilles de table, que la canette a une image plus axée sur la consommation individuelle, mais en soi, c’est logique car les pays Anglo Saxons font peu de bières aux formats 75cl et plus, du coup la canette reste chez eux, plus approprié.
On est ici sur une notion de consommation moins individualiste en Europe, du coup le format canette a moins de succès que la bouteille qu’on se partage, c’est finalement assez simple comme idée directrice pour expliquer en partie pourquoi ce format a du mal à prendre forme en France, sur le marché brassicole artisanale.
En conclusion
Vous l’aurez compris, et appris, la canette est un format devenu courant qui s’est amélioré avec le temps et doit encore le faire. Certes, il y a des soucis liés au Bisphénol A, d’un côté, un souci de recyclage de l’autre, et la guéguerre entre les deux formats est sans fin, je pense personnellement que chaque brasserie est libre de choisir son contenant, elle peut tout aussi bien faire les deux si elle en a les moyens. La canette peut remplir son rôle de contenant individuel, la bouteille de contenant à partager, mais la canette peut aussi avoir ce rôle, bref, tout est question de point de vue et de culture.
Je trouve les 2 formats intéressants, j’adore les canettes de Beavertown ou Brewski, tout comme j’adore les belles bouteilles de Cantillon ou les brasseries italiennes qui la jouent toujours un peu classe.
Donc, maintenant vous savez un peu ce que c’est une canette, mais appréciez les 2 formats de contenants car les bières qui sont dedans sont bonnes quoi qu’il arrive!
Sources
https://en.wikipedia.org/wiki/Drink_can
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canette_(alimentaire)
https://en.wikipedia.org/wiki/Gottfried_Krueger_Brewing_Company
http://www.asef-asso.fr/production/laluminium-ce-metal-qui-nous-empoisonne-la-synthese-de-lasef/
https://lemontri.fr/le-recyclage-des-canettes/
Très intéressant votre article sur l’utilisation des canettes dans le monde de la bière. Dans tous les cas, pour avoir une vision complète du sujet, il faudrait aussi étudier comment est fabriqué l’aluminium, d’où il vient et dans quelles conditions les personnes qui le font fonctionner.