Ca n’aura échappé à personne, la pandémie du COVID-19 aura eu son lot de conséquences désastreuses pour tous les milieux professionnels, et pour bien des gens à titre personnel. De nombreux pays se sont mis à l’arrêt, entraînant de forts déséquilibres dans de très nombreux domaines d’activité. La reprise asynchrone des pays a provoqué des remous inédits dans toute la logistique et l’économie mondiale, créant des pénuries de matières premières et d’outils qui ont fait grimper les cours.
L’occasion pour moi, d’enfiler mon costume de logisticien et de vous expliquer ce qu’il se passe en ce moment et quel impact cela aura pour votre business.
Avant tout un petit flash back explicatif
Les confinements n’ont pas tous eu lieu en même temps, comme vous avez pu le constater si vous avez suivi les actualités débitant H24 des informations sur cette désastreuse épidémie. Ainsi, la Chine a été la première à fermer ses portes, et donc ses usines, là où sont produits la majorité des objets de notre quotidien. Cette fermeture a entraîné un fort ralentissement du commerce mondial, celle-ci ne produisant plus rien, y compris les conteneurs pour transporter ce qui est produit aux 4 coins du monde.
L’Europe s’est confinée quelque temps après la Chine, la plupart des pays minimisant l’impact de l’épidémie, ils ont fermé tardivement, alors que les chinois ont redémarré leurs usines pendant que l’Europe dormait encore. Ainsi, les armateurs (compagnies maritimes), par souci de rentabilité, ont décidé de réorienter tous leurs navires sur l’axe transpacifique pour alimenter l’économie Américaine (dans son ensemble Nord-Sud) qui fonctionnait à plein régime.
Les américains ont surconsommé durant leur confinement (qui était assez chaotique), beaucoup plus qu’ailleurs dans le monde, et les compagnies ont donc, par souci de rentabilité, préféré rediriger leur flotte vers eux plutôt que vers l’Europe qui avait un “potentiel” de consommation moindre, et un marché entièrement confiné.
Souci : quand l’Europe s’est réveillée, tous les containers avaient été répartis sur le territoire américains, entraînant une énorme pénurie de boîtes et empêchant donc les trafics entre la Chine et l’Europe. Cette pénurie a donc créé une hausse tarifaire sans précédent qui a suscité la colère des nombreux acteurs du transport, s’estimant rackettés par les compagnies maritimes.
Il faut savoir que les compagnies maritimes disposent désormais de navires pouvant embarquer jusqu’à 24 000 unités de 20 pieds. Imaginez combien d’unités ont donc transité durant tout ce laps de temps où l’Europe était endormie. On est arrivé à un point de saturation tel, que les îles comme les DOM-TOM avaient leurs parcs conteneurs submergés de boîtes qui ne repartent plus. Il faut comprendre que chaque container qui part de Chine ou d’ailleurs, une fois arrivé à destination, est vidé et rempli de nouveau pour une nouvelle destination. Les parcs sont donc toujours alimentés en boîtes, et on ne manque pas d’unités, mais avec la crise, les containers arrivés en Amérique ne repartent plus vu que tout le trafic était quasiment à sens unique. Au moment du réveil du vieux continent, les containers vides restés sur le territoire de l’oncle Sam devaient être rapatriés : autrement dit les navires allaient devoir charger des unités vides par centaine, ce qui, forcément entraîne un surcoût pour les compagnies qui voyagent avec une rentabilité proche de zéro. Pour amortir cela, les compagnies ont répercuté ces rapatriement de boîtes vides vers le territoire asiatique, sur les taux de fret Européens (majoritairement).
C’est donc ainsi que vous vous retrouvez avec des frais d’importation et d’exportation maritime élevés, avec des délais mirobolants, vous empêchant donc de vous fournir efficacement en matériel si vous commandez en Chine.
La pénurie de conteneurs entraîne d’autres pénuries de matières
La pénurie de conteneurs ralentit donc, en toute logique, l’approvisionnement des usines en matières premières. L’acier, le cuivre, le bois, le verre, tous ces éléments sont désormais en pénurie, mais pourquoi?
La raison est simple : si les usines redémarrent, elles doivent avoir leurs composants, or, souvent, ces composants peuvent être en provenance de régions éloignées. Si ces régions sont assujettis à la pénurie de containers, il devient compliqué de s’approvisionner.
Pour donner un exemple : vous avez besoin de composants pour votre usine de téléphones portables. Votre fournisseur est en Afrique de l’Ouest, mais vous, vous êtes en Chine. Problème, l’Afrique de l’Ouest est en pénurie de containers elle aussi vu que tout l’axe Atlantique a été mis de côté par les navires. Donc trouver un container pour charger les matières sera très cher, car soit il est acheminé depuis l’autre bout du monde, soit, sa rareté justifiera son prix. Si vous payez cher votre transport, il faut le répercuter, donc votre fournisseur répercute le transport sur son prix de vente, et vous paierez plus cher votre matière. Le cours de votre matière première se retrouve ainsi en pleine inflation de par sa rareté, créée par ses difficultés à parvenir jusqu’à vous.
De fait, on se retrouve, concernant la bière, à des augmentations drastiques de coûts pour 3 matières essentielles : le verre, le bois et l’acier.
L’acier parce que vos cuves sont en Inox ou en cuivre, et que donc leur fabrication coûte plus cher depuis la pandémie et les pénuries de containers. La Chine, friande de cette matière, a redémarré mais a du mal à s’approvisionner à moindre coût, donc elle répercute le coût sur son produit final. Vos cuves vont coûter plus cher, mais aussi vos canettes car l’aluminium est lui aussi impacté par cette augmentation.
Le bois parce que l’offre est devenue presque inférieure à la demande pour constituer des palettes. La raison principale est que les fabricants n’ont pas pu produire de palettes car ils étaient eux aussi confinés, comme en Allemagne qui est un gros producteur. Quand tout a rouvert, les fabricants ont fonctionné à flux tendu et ont ainsi éprouvé de très grandes difficultés à fournir assez de palettes. D’autant que le coup de grâce vient des nouvelles modes déco qui encense la palette comme le nouveau mobilier pas cher et écolo, créant ainsi une demande supplémentaire des particuliers et de secteurs comme le CHR qui veut étendre ses effectifs de places assises à moindre coût depuis la pandémie. Le prix de la palette a, au moment où j’écris ces lignes, pris 40% d’augmentation, et forcément, votre papier augmente aussi vu qu’il est fait à partir du même matériau que les palettes. L’augmentation pour vous, en tant que brasserie ou distributeur se situera donc sur l’achat de palettes pour votre logistique mais aussi le papier de vos étiquettes.
Enfin, le verre, bien qu’il ne soit pas indexé sur des cours comme l’acier ou le pétrole, reste une matière qui a augmenté de plus de 30% en un an. La faute là aussi à un redémarrage des usines assez brutal, où tout a redémarré en même temps, ce qui fait que tout ceux qui utilisent le verre n’avaient plus de stock, mais les fabricants n’ayant pas pu démarrer leurs machines, n’ont pas pu produire, et donc satisfaire une demande quasi immédiate. Le déséquilibre se crée ainsi entre l’offre et la demande et vous écopez d’une augmentation tarifaire conséquente sur le prix final de vos bouteilles puisque vous payez la hausse du transport, la hausse de la matière, et les flux extrêmement tendus. Il faut comprendre d’ailleurs que les fabricants de verres, disposent de machineries qui démarrent lentement, on peut compter cela en jours, voire plus selon le type de production. De fait, si tout rouvre, le temps que les usines puissent redémarrer à plein régime, il y a un décalage entre offre et demande qui entraîne pénurie et donc, par corollaire, augmentation des tarifs. Ce qui, pour vous, impactera votre prix d’achat du verre.
Quelle tendance pour demain?
Étant donné le contexte, la plupart des experts s’entendent à dire que nous devrions assister à une stabilisation ou une baisse légère en fin d’année 2021, voire début 2022, dans un scénario optimiste.
Concernant d’autres matières telles que le houblon, ou le malt, on a aussi une tendance à la hausse, notamment de par la demande croissante d’ingrédients liée à la multiplication des microbrasseries, mais aussi du home brewing partout dans le monde. Il faut prendre en compte également les coûts de transports élevés qui sont répercutés sur les houblons américains par exemple. Enfin des ingrédients comme le malt peuvent aussi faire l’objet d’une augmentation de par l’explosion de la demande face à une offre qui a du mal à suivre la cadence. La crise a désorganisé la supply chain, mais aussi différents marchés, dont le marché agricole.
Bien qu’il ne soit pas prévu de pénurie de bière, comme certains titres de presse tapageurs l’ai laissé suggérer, vous devez vous attendre à une possible augmentation de votre bière dans un avenir plus ou moins proche, afin que la brasserie puisse amortir ses coûts de son coté aussi, tout en n’omettant pas les pertes liées aux différentes mesures de confinement ou semi confinement. Ca peut ne pas être le cas, je n’ai pas une boule de cristal, mais une augmentation reste une forte probabilité.
Malgré une réouverture partielle des frontières et des campagnes de vaccination qui battent leur plein, on a encore le spectre d’un nouveau confinement face à des chiffres encore mauvais et alarmants. L’arrivée de variants du virus relativement virulents n’arrange pas les choses et influe aussi sur les cours de bourse et de matières qui, par frilosité, restent sur leur garde et ne relâchent pas la pression. Même si nous devons rester optimistes, n’oublions pas que nous, en occident, nous avons pu sauver une bonne partie de nos emplois, de nos vies surtout, car nous sommes, certes sous équipés en terme de volume, mais bien équipés quand même en comparaison d’autres pays en voie de développement, qui sont submergée de toute part par une crise sanitaire devenue incontrôlable. N’oublions pas que ce sont souvent ces pays qui produisent les matières premières de nombreux objets, ainsi donc, si ces pays ferment pour des raisons sanitaires, cela entraînera de nouvelles pénuries, de nouveaux surcoûts et donc des remous dans l’économie qui impacteront globalement tous les acteurs des marchés.
Il faut donc rester sur nos gardes, et se dire qu’on n’est pas encore sortis de cette crise, car, si l’Occident parvient quelque peu à relever la tête, le reste du monde lui est encore lourdement affecté par cette crise.
Conclusion
Cet article traite beaucoup d’un aspect économique, on parle peu de bière vous l’aurez remarqué, mais il était utile et important d’expliquer et vulgariser au maximum, une explication aux nombreuses questions que j’ai vues soulevées ça et là par des brasseries à propos de l’augmentation de nombreux matériaux et ingrédients. J’espère avoir pu être clair et ne pas avoir fait de coquilles dans ma réflexion et ma transcription de l’information, si c’est le cas, écrivez moi bien entendu, je corrigerais aussitôt.
Si vous avez des questions, ou besoin de plus d’informations, vous pouvez me questionner par email ou les réseaux sociaux. Si vous voulez lire d’autres informations à ce sujet, je vous invite à consulter mes articles liés à la logistique, sur le site de la société Container-Z dont je fais partie, qui achète, vend et transforme des containers. Nous parlons souvent de logistique et de matières, sans oublier de containers, si vous avez en revanche besoin d’infos sur des containers, contactez mes collègues directement aussi via le site.
J’espère que cet article d’actualité, certes long, aura su vous apporter quelques éclaircissements sur la situation actuelle. Les sources sont surtout des discussions avec de nombreux de nos clients, et coupures presses sur le sujet dans des magasins traitant de logistique ou d’industrie, dont les articles ne sont pas consultables sauf abonnement (et nous sommes abonnés).
Pour suivre un peu d’actualité logistique : Container-Z
3 Replies to “Crise sanitaire : une hausse des matières premières sans précédent”