On confronte toujours les deux types de production, mais déjà c’est quoi une brasserie artisanale et une brasserie industrielle ?
C’est finalement assez flou à définir aux premiers abords, est-ce que c’est le volume produit ? Les recettes ? L’organisation ?
En France, on parle officieusement de brasserie artisanale (et toutes ses sous-classes comme micro, pico et nano), une brasserie qui produit moins de 100 000hl par an. Au-delà, c’est de l’industriel.
Aux USA c’est un peu plus officiel, il faut produire moins de 715 000 hl, que la brasserie appartienne à moins de 25% à un groupe du secteur des boissons alcoolisées (sauf si c’est une autre brasserie ou un brasseur artisanal), et enfin la recette doit être composée des produits de bases sans ajouts.
Certes, les chiffres sont énormes mais n’oublions pas que le marché américain est lui-même énorme, mais cette définition reste, pour moi, plutôt cohérente.
A mon sens, une brasserie artisanale doit être d’un volume maximum de production, que sa structure ne soit pas composée d’un grand groupe comme Saab Miller par exemple, et ses recettes doivent être faites avec des produits naturels et enfin que le produit soit fait dans un timing cohérent.
Je reviendrais plus en détail sur ce sujet, nous allons plutôt argumenter sur l’actualité liée à cela justement.
Vous vous en doutez, pour le moment, tout reste flou et c’est pour cela que des groupements de brasseurs ont explosés récemment.
Le ras le bol du Lobbying
Le flou artistique sur les brasseries artisanales n’a fait que s’amplifier ces derniers temps avec l’essor de la bière depuis ces dix dernières années.
Il existe toutefois une entité reconnue du milieu, que l’on appelle « Brasseurs de France ». Cette entité regroupe toutes les brasseries sans exceptions, les membres sont donc à la fois industriels et à la fois artisanaux, ce qui engendre bon nombre de confusions.
Au départ, les choses se passaient correctement, mais avec le pic de croissance de la brasserie artisanale, les industriels commençaient à voir d’un mauvais œil les petits nouveaux et avec le temps, les décisions prises par le groupe allaient à l’avantage des plus gros au détriment des plus petits qui n’avaient pas leur mot à dire, le lobby agissait sans complexe.
La bulle était sur le point d’éclater et les premières démissions ont commencées à se faire, lançant un mouvement sans précédent de départs de micro-brasseries ne voyant plus leurs intérêts dans ce type de groupements.
Il y avait d’ailleurs des antécédents de groupements indépendants, comme le FHL alias Front Hexagonal de Libièration, mais jusqu’ici il n’existait pas de groupe uniquement composé de « petits ».
Ces « petits » justement, se trouvent si nombreux qu’ils commencent à se faire entendre, que ce soit dans les médias ou sur le marché brassicole lui-même et des rumeurs se profilaient sur une union de brasseurs artisanaux
Bien que BDF (Brasseurs de France) disposait d’une commission ‘petites brasseries », cela ne suffisait pas, et les petits ne se faisaient pas entendre, reprochant aux industriels de ne pas du tout les représenter et de servir leurs intérêts.
La révolte des indépendants
Le 8 avril dernier en Lorraine, à Saint Nicolas de Port, 200 brasseurs indépendants ont acté la création d’un syndicat de brasseurs indépendants, une création déjà validée par le biais d’un sondage par 400 brasseurs indépendants.
BDF n’a pas su s’adapter à l’arrivée de tous ces indépendants, ils sont malheureusement resté ancrés sur une vision arriérée du marché. En négligeant les petits, ils se sont tiré une balle dans le pied alors qu’ils auraient pu, selon moi, prendre avantage de cela.
Le Syndicat vient à peine de naître, son site est en ligne et la liste de ses membres se rempli peu à peu, mais on peut déjà compter la Brasserie de Sulauze, de la Pleine Lune, Des Vignes, Thiriez ou encore les brasseurs de Lorraine pour ne citer qu’eux.
Vous pourrez d’ailleurs trouver les informations sur le site officiel : http://brasseurs-independants.fr/
Ainsi que la lettre d’information en cliquant ici.
Pourquoi les brasseries industrielles sont utiles pour les brasseries artisanales ?
Cela peut sembler incongru, mais les petits ont besoin des plus gros, plus que l’inverse.
Le consommateur lambda de bière arrive sur le marché par le biais d’un produit facilement disponible et abordable, on est tous arrivés par le biais d’une Guinness, une Heineken, rarement par une artisanale, surtout la génération des 30-40 ans actuelle.
En partant de ce constat, on ne peut que progresser dans la qualité de sa consommation justement, du coup, le brasseur artisanal n’a qu’à faire gouter son produit pour émerveiller le consommateur habitué à la bière basique et bourrée de composant non naturels (colorants, acides, et autres ajouts chimiques selon les bières).
Alors oui, pour moi, on a besoin de ces grands groupes, parce que finalement sans eux, on n’aurait pas autant de nouveaux adeptes chaque année qui viennent nous voir, nous consulter pour des bières de grande qualité.
En plus, la tendance est au retour à la nature, au « manger et boire local » et c’est du tout cuit pour les brasseries indépendantes, car leurs produits sont aussi biens vus que les fruits et légumes du maraicher, le brasseur devient presque comme un boulanger ou un boucher, c’est un commerçant du village ou du quartier, bref, le modèle de consommation change et profite aux plus petits.
Les industriels ouvrent la porte sans le faire exprès, aux indépendants, et ce n’est pas pour rien que les groupes comme Inbev and co rachètent des petites brasseries, ou des revendeurs indépendants, pour s’immiscer dans ce marché qui leur fait peur. Même si la part des industriels est loin d’être entamée, le peu qu’ils ont perdus ces dernières années au niveau mondial, leur a fait mettre la loupe sur les petites fourmis qui tranquillement, piquaient des parts de marché à ces géants.
Du coup, Inbev rachète des revendeurs en ligne comme Interdrinks, ils fusionnent avec Saab Miller pour asseoir leur puissance, ils dénigrent les petits dans des publicités passant en plein Superbowl, ils rachètent des brasseries artisanales américaines ou prennent des parts tout en les laissant dans leur indépendance. En bref ils essaient de pénétrer doucement le marché pour mieux l’observer, on sent ici une mini panique à bord, mais même si elle est petite, elle semble bien réelle et les indépendants ressemblent à la souris qui fait peur à l’éléphant au final.
Les grands on les aime bien quand même
Pourtant tout n’est pas à jeter chez les industriels, après tout, ce n’est que du business, chacun se bat avec ce qu’il a, et eux, ont une forte avance sur les autres. La consommation de leurs produits se fait différemment, même quand on reste amateur d’artisanale.
Il faut dire que les Pubs fournissent encore beaucoup d’industriel, et le plaisir de boire une bière entre amis dans un lieu sympa, se fait souvent avec des produits qui ne sont pas locaux, même si les choses changent. (Merci les contrats brasseurs….).
Lors de soirées, il est plus abordable pour beaucoup de prendre des packs de « H » que des 75cl de bières artisanales, d’où le fait que les premiers émois avec la bière sont souvent avec un produit industriel…mais les nouvelles générations connaîtrons mieux les bières artisanales.
Attention, ne vous méprenez pas avec ce que je dis sur ce paragraphe, je ne dénigre pas l’artisanal, je dis juste que si on fait une soirée ou la bière ne sera pas dégustée à sa juste valeur, autant prendre de l’industriel pour moi et laisser l’artisanal à une soirée plus épicurienne !
En conclusion
En bref, on a deux modes de consommations, les deux se complètent à mon sens, et l’un apporte plus à l’autre comme je le disais, l’industriel se consomme différemment, il ouvre aussi la voie à la découverte de l’artisanal.
C’est dommage de se dire que le secteur a été divisé par une certaine ignorance de la part des plus gros, au lieu de profiter de cet essor extraordinaire de la bière, ils l’ont négligé et se sont tirés une balle dans le pied (oui je me répète), et maintenant, les indépendants vont s’unir face à eux et il est à parier que les coups feront mal vers les plus gros, car l’union va faire la force justement, et avec 800 brasseries indépendantes environ, sur le marché, il y a de quoi faire trembler les plus gros qui ont voulu être trop gourmands.
Dommage les gars, vous aviez un pont d’or devant vous, maintenant ils vont se battre, et ils ne vous feront aucun quartier.
C’est au final plus désolant que réjouissant, mais personnellement, je suis ravi de cette initiative et de la création de ce syndicat qui permettra de faire croître encore la bière artisanale.